by Guillaume Chevalier / lundi 20 mai 2019
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“Lean Startup : Adoptez l’amélioration continue” est la traduction française du livre d’Eric Ries publié en 2011.
L’auteur y formalise le concept de Lean Startup qu’il a développé à partir de 2008, suite à ses expériences d’entrepreneur puis de salarié dans des startups de la Silicon Valley. Aussi bien dans l’entreprise qu’il a créé, Catalyst Recruiting, que dans celle dans laquelle il a ensuite évolué en tant que développeur (There), il fait le constat que les équipes se sont focalisées dès les débuts sur le développement d’une technologie, sans se poser la question des attentes des clients potentiels. Ces deux expériences se soldent par des échecs, d’autant plus marquants dans le cas de There puisque l’entreprise avait effectué 5 ans de R&D, levé 40 millions de dollars de financement (par des fonds de capital risque) et construit une équipe de 200 personnes au moment du lancement sur le marché.
Cherchant à identifier les raisons de ces échecs et à trouver des manières de les éviter, Eric Ries formalise une méthode inspirée d’une part par l’agilité, appliquée dans le développement informatique, et le customer development, développé par Steve Blank. Il en retire différents principes dont les principaux sont : - l’importance de partir du client et non pas du produit, pour comprendre les besoins avant de réfléchir à une solution. Pour cela, il faut sortir de son bureau et aller à leur rencontre pour les interroger, tester, expérimenter, comprendre et apprendre ; - l’intérêt d’avoir une approche itérative au lieu d’une approche linéaire d’un projet, en avançant par essai/erreur (test & learn), ce qui permet des apprentissages rapides sur les attentes du marché ; - structurer un process qui permet d’accepter l’incertitude inhérente à un projet innovant (posture qui se fait plus facilement dans une startup que dans une entreprise existante)
Le coeur de la méthode du Lean Startup est la Learning Loop, ou boucle d’apprentissage. Elle est constituée de 3 étapes, sous forme d’un process itératif.
À partir des idées/hypothèses de départ, l’étape 1 consiste à construire une manière de tester auprès des clients. Cela peut prendre la forme d’interview de clients (pour valider les besoins), d’une présentation (pour vendre un produit ou un service avant même qu’il n’existe) ou encore d’une première version d’un produit (communément appelé Minimum Viable Product dans le vocabulaire du Lean Startup).
La mesure est un apport important de la méthode, reléguant l’intuition au second plan, et incitant les entreprises à prendre des décisions basées sur de la donnée. Vous avez construit votre expérimentation, et vous l’avez mise en oeuvre. Il est temps de voir si elle est concluante ou pas. Votre site est très beau mais personne ne s’inscrit ? Vos produits sont magnifiquement mis en valeur mais personne ne les achète ? Il est probablement temps de changer quelque chose. À noter qu’on ne lance aucune expérimentation tant que l’on n’est pas capable de la mesurer.
Tester et mesurer est important, mais pour aller au bout de la démarche, il est indispensable de formaliser les apprentissages qui découlent de cette approche, que les anglo-saxons appellent "test and learn". Pour cela, il faut savoir prendre du recul, analyser les actions et ce qui a été mesuré, pour ensuite en retirer des apprentissages qui permettront de repartir sur une nouvelle boucle Construire-Mesurer-Apprendre, soit en faisant des changements majeurs sur le projet, soit en y apportant quelques modifications, pour améliorer les résultats ou franchir de nouveaux caps.
Entre chaque boucle, la question est de poursuivre dans la même voie, ou bien de faire des changements, plus ou moins importants. Lorsque l’expérimentation et les apprentissages que l’on en retire démontrent que la direction prise n’est pas la bonne, et que des changements importants sont à prendre, on appelle cela le pivot. C’est par exemple ce qu’Instagram a fait lorsque, alors qu’ils avaient une application de géolocalisation, ils se sont rendus compte que les utilisateurs se servaient quasi-exclusivement de la fonctionnalité photo, avec les filtres rétro. Idem pour Flickr qui se destinait initialement au marché des jeux vidéos, et que les utilisateurs ont détourné pour stocker leurs photos.
À ce processus et cette méthode, un apport essentiel a été fait par Ash Maurya, dans son livre Running Lean (que l’on vous résume ici). En effet, afin de formaliser des hypothèses entre chaque itération, il s’est inspiré du Business Model Canvas pour créer le Lean Canvas que voici ci-dessous.
Les différents aspects d’un projet y sont formalisés, le Canvas permet de poser sur papier les hypothèses du projet, et d’identifier ce que l’on souhaite tester. Vient ensuite l’étape de faire le choix de ce que l’on teste. Une fois le process déroulé une fois, on utilise les apprentissages pour faire évoluer les hypothèses, et ainsi de suite.
Dans son livre Startup Way (résumé ici), qu’il a écrit après Lean Startup, Eric Ries explique la méthode qu’il utilise pour passer de l’idée à la définition de l’expérimentation à réaliser. Elle est assez simple : étape 1 : définir 3 manières de tester les hypothèses ; étape 2 : pour chacune de ces 3 possibilités, les décrire, identifier les ressources (coûts, temps,.…) et les apprentissages que ces expériences vont permettre ; étape 3 : faire la liste des + et des - de chaque expérimentation et faire un choix.
Quel intérêt ? Ne pas se jeter directement sur la première solution qui nous vient en tête. Ce process, qui nécessite une phase d’idéation, permet d’envisager systématiquement d’autres perspectives, d’autres angles de vue, et enrichir la réflexion. En formalisant également les apprentissages attendus dès le début du process, cela permet de mieux s’y projeter, et de mesurer les bonnes choses.
Au final, le Lean Startup, grâce à cette structuration du processus et les différents outils qui sont petit à petit venus alimenter la méthode, offre un cadre idéal pour aborder des projets innovants, souvent accompagnés d’une forte incertitude. Elle ouvre également la voie vers une manière différente d’appréhender l’avancée d’un projet innovant en entreprise, autre que celle trop fréquente du budget ou du ROI, qui n’a pas de sens sur des projets en phase d’exploration, ou c’est l’apprentissage qui a le plus de valeur.
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